Un nouveau
scandale secoue la République Démocratique du Congo. À la prison centrale de
Makala, des centaines de prisonniers ont tenté de s’évader, plongeant
l’établissement dans un chaos sanglant qui a coûté la vie à plus de 129
personnes, fait 59 blessés, et laissé plusieurs femmes violées. Le Front Commun
pour le Congo (FCC), plateforme politique de l’ancien président Joseph Kabila,
pointe directement du doigt le gouvernement, qu’il tient pour premier
responsable de ce drame innommable.
Dans un communiqué
au vitriol, Raymond Tshibanda, porte-parole du FCC, accuse le gouvernement de
laisser les conditions de détention se dégrader à des niveaux « infra-humains
», créant les conditions d’une tragédie inévitable. « Le gouvernement a fait
preuve d'une faute coupable », déclare-t-il, dénonçant des réponses « creuses »
et des effets d’annonce en lieu et place de mesures concrètes pour réformer les
prisons congolaises qu’il compare à des « camps de concentration. »
Une
bataille de chiffres et de vérités
Mais au-delà de
l’indignation, le FCC conteste fermement les chiffres avancés par les autorités
sur le nombre de victimes, évoquant un bilan sciemment sous-évalué. « La
crédibilité du bilan officiel est sérieusement sujette à prudence », martèle la
plateforme de Kabila. En cause, les contradictions flagrantes entre les
versions gouvernementales, les témoignages des ONG, et les images diffusées sur
les réseaux sociaux montrant des corps entassés et ensanglantés. Face à ce qui
est perçu comme une tentative de minimiser l’ampleur du désastre, le FCC exige
la création d’une commission d’enquête indépendante pour établir la vérité.
Pour l'expert en
droits humains Jean-Baptiste Mukendi, « ce drame illustre la faillite totale du
système pénitentiaire congolais, mais aussi un recul inquiétant des droits
humains. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de gestion carcérale, mais
d’une question plus profonde de respect de la vie humaine. » Mukendi soutient
la demande d’une enquête indépendante et appelle à des réformes urgentes pour
prévenir de tels désastres à l’avenir.
À l’inverse, le
politologue Christian Mbayo, plus proche du gouvernement actuel, estime que ces
accusations sont exagérées et instrumentalisées par l’opposition. « Les prisons
sont surpeuplées, c’est un problème bien connu. Mais en faire un champ de
bataille politique est irresponsable. La situation est dramatique, certes, mais
ce n’est pas le moment de jeter de l’huile sur le feu. La priorité doit être de
sécuriser les prisons et de protéger les détenus, pas d’alimenter la polémique.
» Pour Mbayo, l’opposition cherche avant tout à déstabiliser un pouvoir déjà
fragilisé par des crises multiples.
La
fin du dialogue et le début de la révolte silencieuse ?
Au-delà des
déclarations enflammées, une réalité inquiétante se dessine : la banalisation
de la violence et la perte de confiance dans les institutions. Pour le FCC, le
drame de Makala n’est qu’un symptôme d’une dérive plus large, celle d’un «
recul démocratique » marqué par des arrestations arbitraires et des atteintes
répétées aux libertés fondamentales. « La vie humaine, pourtant sacrée, est
plus que jamais banalisée », s’insurge le FCC, dénonçant un climat de terreur
où la peine de mort semble distribuée « comme des petits pains ».
Dans ce climat délétère,
l’avenir du Congo semble suspendu à une question fondamentale : la justice et
la vérité peuvent-elles encore prévaloir ? Alors que le FCC réclame des
comptes, le gouvernement semble jouer la carte du silence, espérant que
l’indignation finira par s’éteindre. Mais peut-on vraiment tourner la page d’un
drame aussi grave sans un véritable sursaut ?
L’heure est au
choix : continuer dans la confrontation, ou reconstruire sur des bases de
vérité et de justice. Car si le drame de Makala révèle une chose, c’est que le
silence ne suffira pas à étouffer le cri des victimes.
Par
Lukeni Fwamba Donatien