Le
vice-Premier ministre en charge du Plan, Guylain Nyembo, persiste et signe : le
Projet de Développement Local pour 145 Territoires (PDL 145 T) va jusqu’au
bout, affirme-t-il avec aplomb lors d'une conférence de presse à Lubumbashi.
Mais à force de rassurer sur la "sérieuse" détermination du
gouvernement à poursuivre ce projet, on en viendrait presque à se demander si
cette insistance ne masque pas en réalité un aveu d’impuissance. Ce n’est ni la
première, ni la dernière fois qu’on entend un officiel congolais jurer que «
cette fois-ci, ça va marcher » – une phrase qui résonne presque comme une
rengaine nationale.
Pour
mettre en perspective, le PDL 145 T est censé révolutionner les 145 territoires
de la République Démocratique du Congo. Du bitume pour les routes, des écoles
flambant neuves, et des centres de santé dignes du nom : on en rêve depuis si
longtemps que les citoyens en viennent à se demander si ce n’est pas un mirage.
« C’est un projet très sérieux, pas question de le politiser », jure Nyembo.
Mais peut-on encore promettre un "développement apolitique" dans un
pays où chaque choix budgétaire, chaque contrat et chaque chantier est aussi
politique qu'économique ?
Des
retards financiers comme signes avant-coureurs ?
Nyembo
semble optimiste, mais les réalités financières frappent de plein fouet : la
première phase du financement est non seulement retardée, mais elle arrive en «
trois tranches ». La première est déjà décaissée, nous assure-t-on, mais qui
peut garantir que les suivantes seront au rendez-vous en novembre et décembre ?
« Ce retard est tout à fait normal », explique Nyembo d’un air détaché, comme
si tout allait selon un plan qu’il semble être le seul à croire. Il va jusqu’à
excuser l’absence de travaux sur le terrain et les nombreux chantiers au point
mort. Selon lui, il s’agit d’une stratégie pour commencer seulement les projets
"qu’on est sûrs de finir" – logique imparable mais amère pour les
communautés locales qui attendent, encore et toujours, un développement promis.
Une
gestion précipitée
Selon
Jules Nkumu, économiste et analyste des politiques de développement en Afrique
centrale, le PDL 145 T « risque de n'être qu'une illusion coûteuse ». Pour lui,
ce projet ambitieux est surtout symptomatique d’une mauvaise planification et
d’un financement précipité : « L’argent n’arrive pas à temps, et cela paralyse
les agences comme le PNUD. En réalité, il n’y a jamais assez de fonds pour une
exécution complète ». Il enfonce le clou en affirmant que le gouvernement joue
la carte de la patience, mais à quel prix ? « Les projets ne démarrent pas, et
ceux qui démarrent sont mal gérés ou à l’arrêt. À ce rythme, le PDL 145 T
restera dans les archives des projets inachevés. »
Une
vision à long terme
En
revanche, le sociologue congolais Aimé Ilunga y voit un projet à la fois
pragmatique et nécessaire, malgré les défis évidents. Pour lui, le PDL 145 T ne
peut être jugé sur des résultats à court terme : « Il faut comprendre que ce
projet est pensé pour transformer le pays en profondeur, pas juste construire
des infrastructures superficielles. Le gouvernement fait face à des obstacles
logistiques et financiers énormes. Rome ne s’est pas faite en un jour. » Il
soutient que les retards et les ajustements sont inévitables dans un pays aussi
complexe que la RDC, et qu’il faut être patient : « Si les Congolais veulent un
développement durable, il leur faudra accepter ces étapes de construction et de
consolidation. »
Un
autre mirage ?
Pourtant,
une question persiste : jusqu’à quand les Congolais devront-ils être “patients”
? On en est presque à se demander si le PDL 145 T n'est pas devenu le dernier
exemple en date de cette "patience" éternelle demandée aux citoyens
congolais. À force d'annonces et de relances, le gouvernement lui-même semble
pris dans une boucle de promesses sans fin, comme s’il attendait que
l’optimisme suffise pour bâtir des routes et ouvrir des écoles.
Il
y a dans cette insistance une ironie mordante. Car pendant que le vice-Premier
ministre Nyembo s’attache à souligner la “sérieuseté” de ce projet, des
familles entières continuent d'espérer voir enfin une route bitumée desservir
leur village, des enfants rêvent de véritables salles de classe, et les malades
espèrent des centres de santé fonctionnels. Le PDL 145 T est peut-être
"sérieux", mais les attentes des Congolais, elles, sont tangibles et
pressantes.
Est-ce
que le PDL 145 T ira réellement jusqu'au bout ou ne sera-t-il qu'un énième
chapitre du grand livre des promesses congolaises ? Le temps nous le dira, et
en attendant, les citoyens peuvent toujours espérer, car après tout, l'espoir
est ce qui nous reste quand tout le reste semble s’effondrer.
Par
Bendele Limbondo Doukoure