À
partir du 1ᵉʳ novembre 2024, tous les
clients d'Eneo, l'unique distributeur d'électricité au Cameroun, se verront
appliquer les nouveaux tarifs harmonisés. Cette belle initiative promettant
plus d'équité, de transparence et de simplicité n'est-elle qu'une excuse pour
augmenter encore les factures des consommateurs? Une chose est certaine,
l'ombre du scepticisme plane sur ces ajustements tarifaires, tant les annonces
semblent surréalistes dans un pays où l’électricité reste un luxe pour
beaucoup.
Les
experts se divisent sur le sujet. D'un côté, il y a ceux qui, tel Jean-Claude
M. économiste et consultant en énergie, applaudissent cette mesure comme étant
"une avancée vers un secteur plus régulé et plus juste". Pour lui,
l'uniformisation des tarifs est essentielle pour éviter les abus, notamment
dans le secteur du prépayé, où certains consommateurs se retrouvaient à payer
des prix plus élevés pour la même quantité d'énergie. "La régulation est
nécessaire pour que tout le monde paie le même prix. Cela peut sembler
compliqué au début, mais à long terme, cela réduira les disparités et rendra
les tarifs plus transparents", explique-t-il d'un ton assuré.
Mais
il y a aussi le point de vue d’Henri K., un analyste en politique énergétique,
qui n'y voit qu'une simple mise en scène. "C'est une farce",
lance-t-il, ses bras croisés, en secouant la tête. "Ce que l'ARSEL appelle
harmonisation est en fait une stratégie pour camoufler les véritables problèmes
du secteur. Il n’y a pas de réelle révision des structures de coûts, juste un
maquillage des tarifs. Cette réforme ne fait que préparer le terrain à de
nouvelles hausses déguisées sous des tranches tarifaires", fustige-t-il.
Selon lui, l’alignement des tarifs va servir d’excuse pour justifier une hausse
du coût de la consommation d’électricité, déjà inabordable pour une partie de
la population camerounaise.
Et
c'est là que réside le vrai piège. Tandis que certains applaudissent
l'initiative sous prétexte qu'elle "améliore" la transparence et la
simplicité, d’autres mettent en lumière un objectif caché : faire croire à une
réforme profonde tout en perpétuant les inégalités. Le mécanisme de
réévaluation mensuelle, par exemple, ne fera qu'ajuster les prix en fonction de
la consommation. En d'autres termes, plus vous consommez, plus vous payez —
mais à des tranches qui peuvent changer au fil du temps.
Eneo,
de son côté, se défend avec des slogans d’équité et de simplification, et parle
de réajustements justes. L'entreprise s'est bien gardée de mentionner que cette
"harmonisation" repose sur des tarifs datant de 2012, un gage de
modernité tout de même! Le prix du kWh ne semble pas vraiment se moduler en fonction
de l’efficience ou de la gestion du réseau, mais simplement d’une volonté de
rééquilibrer les coûts à la tête du consommateur. En somme, l’énergie devient
un produit de luxe à consommer avec modération… et toujours au prix fort.
Quant
à l'ARSEL, elle se positionne comme le grand régulateur, assurant que tout sera
sous contrôle et que la transition sera "douce". Mais que dire alors
de la "transparence" promise, quand les consommateurs auront du mal à
démêler les multiples changements tarifaires à chaque nouvelle facture? La
réalité est que, comme toujours, ce sont les clients qui devront payer pour
l’amélioration du système, non pas l’entreprise elle-même. De l’illusion
d’équité à la réalité des factures, il n'y a qu'un pas, et il se franchit bien
trop facilement.
Finalement,
l’harmonisation des tarifs d’électricité au Cameroun ressemble moins à une
avancée pour les consommateurs qu’à une énième manipulation des prix. Que la
régulation soit nécessaire est une chose, mais il serait naïf de croire que
l'on va vers plus de justice dans un pays où l'énergie reste encore une
bataille de tous les jours pour une grande partie de la population.
Les
consommateurs, eux, continueront à subir une réalité amère : celle où
l’électricité est un luxe réservé à ceux qui peuvent encore se permettre de
l'acheter.
Par Molongi Nzoto Libumutulu