Le
professeur Meya Enselme, doyen de la faculté des Sciences sociales,
administratives et politiques de l’Université de Kinshasa, vient de lancer un
appel retentissant : les autorités provinciales doivent se lancer dans la
création d’entreprises agro-alimentaires pour contribuer au développement du
pays. Une initiative louable en théorie, mais quand la réalité s’en mêle, la
beauté du projet se dissout aussi vite qu’un mirage dans le désert.
Un
expert du domaine, qui préfère rester anonyme pour éviter de se retrouver sous
les projecteurs de cette nouvelle vague d’idéalisme, a d’abord salué cette
idée, qu’il qualifie de "prouesse" intellectuelle. "Il est
indéniable que l’agriculture et l’agro-alimentaire peuvent être les moteurs du
développement en RDC. Mais voilà, il faut des infrastructures, des
investissements massifs, et une gestion visionnaire. Il ne suffit pas de dire
'créons des entreprises'. Il faut des compétences, des marchés, et des
politiques concrètes pour encadrer ces projets."
Il
est facile de se laisser emporter par l'idée de faire pousser des entreprises
agro-alimentaires dans chaque province, mais la réalité est plus complexe. En
RDC, le terreau est fertile pour les projets utopiques : une administration
publique défaillante, des infrastructures inexistantes et des ressources mal
gérées. Pour qu'une entreprise agro-alimentaire prospère, il faudrait avant
tout un accès fiable à l’eau, à l’électricité, et bien sûr, des routes décentes
pour livrer les produits. Et que dire des investisseurs ? Ah, ce détail crucial
qui semble souvent échapper à l’analyse de nos autorités provinciales.
Un
autre expert, plus sceptique, a quant à lui raillé cette initiative en
soulignant que la RDC manque cruellement d’un cadre juridique solide et d’une
gouvernance fiable pour que ces projets aboutissent. "Il est beau de dire
'tout le monde a besoin de manger bio', mais où sont les experts en gestion des
entreprises agro-alimentaires ? Où est la formation des entrepreneurs locaux
pour encadrer ce secteur ? C’est tout simplement une illusion que de croire
qu’il suffit de poser des projets sur le papier pour les voir fleurir."
L’appel
du professeur Meya à "autonomiser" les provinces en matière de
gestion des ressources est certes un souhait noble, mais il semble ignorer une
réalité bien plus amère : la décentralisation est un concept souvent mal
compris et mal appliqué. Pour l’heure, ce sont davantage des
"conseils" lancés au vent que de véritables stratégies bien ancrées.
C'est une vision pieuse d'une RDC qui, au fond, peine à aligner les priorités
et les capacités. Les autorités provinciales, qui continuent de se vautrer dans
une inertie administrative, ne semblent pas prêtes à relever le défi de se
transformer en acteurs économiques indépendants.
En
attendant, on peut se demander si ces appels à créer des entreprises
agro-alimentaires ne sont pas qu’un miroir aux alouettes, une manière de cacher
l'absence de projets concrets dans un secteur aussi vital pour le pays. Un plan
réaliste exigerait un soutien véritablement structuré, avec des investissements
durables et une gestion rigoureuse. Mais dans un contexte où le système
n'arrive même pas à garantir l'eau potable à ses citoyens, il semble qu’on soit
loin du compte.
Par Bendele Limbondo Doukoure