1819 lauréats lancés sur le marché de l’emploi
L’Université
de Kinshasa, apparemment sur un chemin de transformation radicale, nous promet
d’être non seulement un centre de formation mais aussi une "créatrice de
richesses". Oui, vous avez bien lu, selon le recteur, l’Unikin devrait
être à la fois une pépinière d'entrepreneurs et un moteur de développement
économique. Au programme, des étudiants dotés d’un esprit entrepreneurial,
capables de créer des entreprises et d’innover dans tous les domaines de la
société. Comme si une étudiante en sociologie pouvait, par miracle, devenir CEO
d’une startup agro-alimentaire après avoir passé quelques années dans les bancs
de l’université.
Le
recteur Jean-Marie Kayembe Ntumba a mis en avant la volonté de l’Unikin de
"former des créateurs d’entreprises" et de "mettre l’étudiant au
centre de toutes les préoccupations". Pourtant, la réalité de la RDC est
que la majorité de ces jeunes diplômés se retrouvent sans emploi, malgré leur
passion pour "l’entrepreneuriat". Quelque chose cloche. Si
l’université veut vraiment être cette créatrice de richesses, elle devra
d’abord se demander comment elle compte outiller ses étudiants pour faire face
à des conditions économiques catastrophiques et à une bureaucratie paralysante.
D’un
autre côté, un autre expert, enseignant à l’Unikin, semble voir la situation
sous un angle plus pragmatique : "L’université peut bien prôner
l’innovation, mais si elle ne résout pas les problèmes d’infrastructure, de
financement et de formation pratique, ce n’est qu’une belle illusion. Créer des
entreprises dans un environnement où l’électricité et internet sont des luxes
pour la plupart, c’est carrément irréaliste." Ces critiques viennent
souligner un défaut majeur dans l’approche actuelle : l’écart abyssal entre les
ambitions affichées et la réalité du terrain.
Mais
peut-être que le rêve d’une université "innovatrice" et
"productrice de richesses" cache quelque chose de bien plus profond.
Que vaut l’innovation si elle se limite à des discours populistes, si elle
n’est accompagnée d’aucun véritable effort pour améliorer les conditions de
travail, les infrastructures, ou les moyens matériels ? Est-ce simplement une
autre manière de faire semblant de changer les choses ? L'Unikin peut bien
prôner la transformation du pays, mais encore faut-il qu’elle commence par se
transformer elle-même en une institution capable de faire face à son époque.
Les
initiatives comme la ferme agro-pastorale de N’d’jili ou la recherche sur
l’intelligence artificielle sont bien des actions à saluer, mais elles se
heurtent à une réalité : une grande partie de la population congolaise n'a même
pas accès à une éducation de base décente. En quoi la recherche sur
l’intelligence artificielle répond-elle aux préoccupations quotidiennes des
Congolais qui luttent pour avoir une vie décente, entre pénurie d’eau,
d’électricité et des routes impraticables ?
Enfin,
on pourrait aussi s’interroger sur le timing de ces annonces grandiloquentes.
L’Unikin "lance" des centaines de lauréats sur le marché de l’emploi,
mais comment peuvent-ils contribuer à l'édification de cette fameuse
"richesse" quand le pays manque cruellement d’emplois et
d'opportunités réelles pour sa jeunesse ? Un diplômé de médecine dentaire ou un
ingénieur en pétrole se retrouveront-ils vraiment à la tête de "créations
d'entreprises" ou devront-ils se contenter des promesses non tenues d’une
administration académique et gouvernementale qui leur aura tout simplement fait
perdre leur temps ?
Par Molongi Nzoto Libumutulu