Houris : Quand Kamel Daoud Danse
avec les Fantômes de la Décennie Noire – La Réécriture de l'Histoire Algérienne
à Paris
Kamel
Daoud est de retour, mais cette fois, il ne se contente pas d'écrire des
romans. Non, il se lance dans une opération de déterrement littéraire avec son
dernier ouvrage *Houris*, un cri du cœur en réponse au silence assourdissant
d’Alger sur la décennie noire. Le Parisien d’adoption s’attaque à la guerre
civile algérienne des années 1990 avec une plume qui pourrait faire rougir même
les plus courageux des journalistes de guerre. Dans ce livre, la violence n'est
pas un simple décor : elle est le personnage principal, et pas des moindres.
Daoud,
qui a troqué les paysages sahariens contre les pavés parisiens, met en scène
Aube, une narratrice dont le quotidien est une réécriture d’un cauchemar
algérien. L’écrivain n’a pas hésité à inclure des détails graphiques, qui,
selon lui, étaient nécessaires pour dépeindre l'horreur sans équivoque. Le
choix de retirer certaines scènes de massacres n'était pas une question de
censure, mais de précaution – éviter de ne pas être cru. Daoud semble dire : «
Croyez-le ou non, voici ce qui s'est passé. »
La
décennie noire, cette période où l'Algérie était un champ de bataille pour
divers groupes islamistes et l’armée nationale, est encore un sujet tabou en
Algérie. « Les islamistes ont peut-être perdu militairement, mais ils ont gagné
politiquement », affirme Daoud, en référence à l’impact durable de cette
période sur la société algérienne. La Charte pour la paix et la réconciliation
nationale, une loi qui punit quiconque ose évoquer les événements, semble jouer
le rôle d’une omerta officielle.
En
contraste, Ahmed Bouzid, sociologue spécialisé en histoire moderne, soutient
que « Daoud est un héros des temps modernes, un témoin qui brave la censure
pour exposer la vérité. Son livre est un acte de courage face à une répression
historique. » Tandis que Fatima Kherroubi, historienne algérienne, argue que «
*Houris* est peut-être nécessaire, mais il est aussi possible que Daoud
amplifie les détails pour faire plus de bruit que de lumière. La vérité
historique est complexe et ne se résume pas à des descriptions violentes. »
Le
livre de Daoud, donc, est à la fois un témoignage ardent et un produit de la
difficulté de parler de l’Algérie contemporaine. En le lisant, on se demande si
l’auteur ne joue pas un jeu double : dépeindre la réalité tout en vendant une
image choc pour capter l’attention internationale. Comme un photographe de
guerre qui sait que le meilleur cliché est souvent le plus dramatique.
Le
silence algérien sur cette décennie noire est-il une protection ou une trahison
de l'histoire ? Kamel Daoud semble dire que la vérité, aussi douloureuse
soit-elle, mérite d’être révélée, même si cela signifie braver des tabous et
des lois. Houris est une œuvre provocatrice, qui cherche à ouvrir les yeux du
monde sur une tragédie longtemps occultée, tout en soulignant la difficulté de
maintenir une véritable réconciliation nationale dans un pays où les cicatrices
du passé restent fraîches.
Par Mbelu Songesha Adolphine