La République
Démocratique du Congo a fait une annonce spectaculaire le 12 août :
l'annulation du projet ambitieux de 1,2 milliard de dollars destiné à la mise
en circulation de nouvelles cartes d'identité. Cette décision, révélée par
l'agence américaine Bloomberg, est motivée par des risques de dépassements de
coûts et des irrégularités financières préoccupantes.
Selon une note
d'observation adressée le 12 juin au ministère de l'Intérieur par Jules
Alingete Key, Inspecteur Général Chef de l'Inspection Générale des Finances
(IGF), le contrat avec le consortium ONIP-Afritech/Idemia présentait plusieurs
anomalies. Le projet, initialement estimé à 697 millions de dollars, devait
être financé par un apport de 104 millions de dollars de l'État congolais et
593 millions du groupe Afritech/Idemia. Cependant, l'IGF a découvert que cette
dernière société ne pouvait pas fournir les fonds promis. En outre, les 20
millions de dollars déjà décaissées par l'État ont été bloqués en raison de ces
irrégularités.
Le contrat
controversé prévoyait également une répartition des revenus de 2 milliards de
dollars sur 20 ans, avec 60% alloués à Afritech contre seulement 20% pour la
partie congolaise. L'IGF a critiqué cette répartition, la jugeant
désavantageuse pour le pays. Plus encore, une irrégularité significative a été
signalée concernant la garantie demandée par Afritech, qui impliquait la
séquestration des avoirs de la Banque centrale du Congo, une pratique jugée
illégale.
Le rapport de
l'IGF a également révélé que la société Idemia, prétendue partenaire dans le
projet, n’avait aucun contrat officiel avec la RDC. En fait, elle n'était qu'un
fournisseur d'équipements pour Afritech, qui, selon l'IGF, pourrait ne pas
exister sous le nom indiqué. L’affaire se complexifie encore avec l’implication
de Samba Bathily, un homme d'affaires malien ayant des antécédents judiciaires
en RDC.
L’économiste
Simon Dikangala voit cette annulation comme une victoire contre la corruption :
"Cette décision met en lumière des pratiques de gestion douteuses et
confirme les préoccupations de l’IGF. C’est une démonstration que les
mécanismes de contrôle fonctionnent et que le gouvernement prend des mesures
pour protéger les fonds publics."
D'un autre côté,
le consultant en politiques publiques Marie-Louise Nzuzi exprime une inquiétude
différente : "L'annulation de ce projet pourrait freiner des initiatives
cruciales pour moderniser le système d'identification du pays. Il est impératif
de trouver des solutions viables pour garantir que des projets de cette
envergure puissent être menés à bien sans compromettre l'intégrité
financière."
Cette annulation
souligne non seulement les défis de gouvernance auxquels fait face la RDC, mais
également l'importance cruciale de la transparence et du contrôle dans la
gestion des grands projets. Le gouvernement devra maintenant naviguer dans
cette crise de confiance tout en cherchant des alternatives pour améliorer son
système d'identification.
Par
Nsungidi Nzita Pascaline